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Entretien avec Mustapha Mekki, directeur général de l’INFN : un an déjà…

Article paru dans le Defrénois du 26 mars 2020,  N° DEF158N0, P. 12
Rédaction Lextenso

Nommé directeur général de l’INFN en 2019 (v. Defrénois 20 juin 2019, n° 149n5, p. 13), Mustapha Mekki revient pour nous sur cette année écoulée et nous en dresse un premier bilan.

Les « Journées »

Assurer le rayonnement national de l’INFN suppose de mettre en exergue le rôle important du notaire comme expert juridique, du notariat comme service public et, en même temps, acteur et moteur de l’économie française. Plusieurs journées sont destinées à souligner cette place centrale du notaire dans notre société. Malgré les grèves, les manifestations et la pandémie du COVID-19, de nombreuses manifestations ont pu être organisées.

Les journées « citoyennes », destinées à éclairer les juristes et les non-juristes sur le rôle social du notariat, collent au calendrier citoyen et viennent célébrer des évènements importants. Ont ainsi été organisées, avec le partenariat du Conseil supérieur du notariat (CSN) et de la chambre des notaires de Paris, une journée sur le notariat et les personnes âgées lors de la journée internationale sur les personnes âgées ; une journée sur les droits de l’enfant, lors de la célébration des 30 ans de la convention internationale sur les droits de l’enfant ; une journée sur la lutte contre la misère et le notariat, pour célébrer la journée internationale de lutte contre la misère ; une journée sur la place des femmes dans les métiers du droit, lors de la journée internationale du droit des femmes.

Les journées « expert »sont consacrées à un thème transversal, complexe ou d’actualité, davantage tournées vers les spécialistes. Une journée expert a ainsi été organisée sur le notariat et le monde de l’entreprise et sur le notariat et la protection des personnes vulnérables. À venir, dans toute la France : le patrimoine numérique, les clauses sensibles dans la vente immobilière, le droit immobilier de l’environnement, pièges et chausse-trapes dans les contrats préparatoires, les conditions suspensives : risques et précautions rédactionnelles…

Les journées « profession »s’efforcent d’aborder des thèmes mettant en lumière le rôle d’interface que le notariat joue assez fréquemment dans le monde économique et en matière de prestation juridique. Ainsi l’une sera très prochainement consacrée à la déontologie des juristes (unité dans la diversité ?) ; une autre est en préparation sur le notaire et ses partenaires.

Les journées « actualités »sont des rendez-vous mensuels permettant à un binôme composé d’un universitaire et d’un notaire de présenter l’actualité législative et jurisprudentielle. Plusieurs ont déjà eu lieu sur la responsabilité notariale, le droit international privé, le droit des sûretés, le droit rural. D’autres vont suivre sur le droit de l’environnement, le bilan de la loi ELAN, le droit de la copropriété, le droit de la vente immobilière, le droit des libéralités, le droit des successions, le droit des personnes vulnérables et le droit fiscal.

Les journées « junior », enfin, sont l’occasion pour nos étudiants d’organiser eux-mêmes certaines manifestations scientifiques. Une journée organisée à Strasbourg sur « Qu’est-ce qu’être notaire aujourd’hui » a dû être reportée mais aura lieu très prochainement. Elle est organisée par l’ADN, représentée par Antoine Bechman.

Ces journées, diffusées en direct et enregistrées, sont disponibles dans les jours qui suivent sur le site de l’INFN (www.infn.fr). Ces vidéos constituent un fonds documentaire précieux pour enrichir notre plateforme pédagogique en cours de constitution. Ces journées sont un complément très riche pour les étudiants en formation initiale, collaborateurs ou futurs notaires. Elles sont également comptabilisées en heures de formation continue.

Nous accompagnons par ailleurs certains partenaires dans la réalisation de leurs projets scientifiques. Nous avons soutenu une manifestation sur l’obligation réelle environnementale (ORE) avec l’université de Dijon, une autre sur « Le notaire et les blockchains » avec le réseau Notalis, une autre encore avec Paris Jeunes Notaires sur « Le bien-être au travail ». Un partenariat a également été signé avec l’université de Poitiers et le professeur Romain Ollard pour la mise en place d’une clinique juridique.

Je tiens à cette occasion à remercier les directeurs de sites qui ont contribué à la mise en place de ces journées, Jézabel Jannot pour m’avoir aidé à penser beaucoup d’entre elles et à toute l’équipe du siège, Monique Deval, Sophie Tormo, Sara-Manel Saidani, Valérie Gonthier et Françoise Roche, pour en avoir assuré la bonne organisation et le bon déroulement.

Nous avons souhaité également valoriser l’identité de l’INFN en mettant en place un partenariat éditorial. Ce partenariat a été signé avec les éditions Lextenso. La collection INFN/Lextenso va permettre de développer une collection d’ouvrages spécifiquement consacrés à la formation notariale. En particulier, Lextenso nous accompagne dans la mise en œuvre de la réforme de la formation initiale des futurs notaires en publiant une collection d’ouvrages dits « essentiels » et « fondamentaux » qui permettront aux enseignants de promouvoir une pédagogie inversée. Nos journées seront au surplus valorisées grâce à leur publication dans la collection INFN/Lextenso.

La formation continue

Cette formation continue est effectivement un volet important de l’INFN. Le directeur général délégué, Xavier Daudé, a à cœur de développer cette partie importante de la grande école du notariat. De nombreuses initiatives existent déjà au sein des différents sites. Les directrices et directeurs de sites ont mis en place de nombreux catalogues de formation continue ayant un certain succès.

Afin de renforcer ces précieuses initiatives locales par une politique nationale, nous avons également mis en place des partenariats avec différentes professions et différents organismes. Dans le premier cas, j’ai pris l’initiative de négocier et de conclure plusieurs conventions avec d’autres écoles. Nous avons ainsi signé avec l’École nationale de la magistrature (ENM) une convention prévoyant d’ouvrir certaines de nos journées aux magistrats. Cette convention sert aussi de support à la mise en place de formations communes sur des thèmes fédérateurs où la collaboration des magistrats et des notaires se fait au quotidien : protection des personnes vulnérables, partage amiable et judiciaire, divorces… Dans le même esprit, une convention est sur le point d’être signée avec l’école de formation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires afin d’ouvrir certaines de nos journées et de co-construire des formations communes. Dans la continuité, une convention de partenariat devrait être conclue avec le directeur de l’EFB, Pierre Berlioz, pour la création de formations communes avec les magistrats.

École de formation d’excellence : accompagner l’activité scientifique

Nous voulons renforcer la place des étudiants au sein de la grande école du notariat. Plusieurs initiatives permettent de les impliquer dans ce projet. Tout d’abord, nous avons un lien très étroit avec la plupart des associations d’étudiants. Nous tentons de participer à un certain nombre d’évènements permettant de créer un esprit de promotion. Nous avons ainsi participé à l’organisation de la journée de rencontre des étudiants de master de droit notarial organisée par l’ADN, association des étudiants notaires.

Par ailleurs, les journées « junior » évoquées précédemment sont des initiatives prises par les étudiants et constituent une belle expérience collective.

Pour impliquer les étudiants dans l’image de leur future profession, j’ai également pris l’initiative d’organiser un concours de court-métrage. Outre les récompenses pour les meilleurs courts-métrages, qui restent secondaires, l’important a été surtout de donner la parole à tous nos jeunes étudiants (étudiants en master de droit notarial, collaborateurs et futurs notaires) afin qu’ils présentent, avec ou sans humour, les métiers du notariat dans leur diversité et leur singularité. L’objectif est de donner l’occasion à ceux qui feront le notariat de demain de partager leur image de la profession, éloignée des stéréo types réducteurs des médias grand public. Le lauréat verra son court-métrage diffusé lors de la nuit du droit qui sera organisée par l’INFN le 1er octobre 2020 avec la chambre des notaires de Paris puis sera disponible ensuite sur les sites de Lextenso.

Le rayonnement international

Le rayonnement de l’INFN et la construction de son identité reposent pour une grande partie sur sa réputation internationale. À cette fin, le professeur Philippe Pierre a été engagé par l’INFN en qualité de responsable des relations internationales pour collaborer avec moi au développement des activités internationales.

Le volet institutionnel se rapporte, tout d’abord, aux relations avec les structures internes du notariat. Le CSN s’est engagé à solliciter régulièrement l’INFN pour participer aux manifestations et délégations internationales du CSN, afin de renforcer la visibilité de la Grande école du notariat auprès de tous les interlocuteurs étrangers en lien direct ou indirect avec la profession. Un projet est à ce titre en cours de réalisation avec le CSN et le centre sino-français de Shanghai ayant pour objet une école euro-chinoise. Un accord de principe du CSN a également été exprimé pour faciliter, autant que faire se peut, la présence d’un représentant de l’INFN lors des déplacements du CSN à l’étranger. Le CSN a conscience que l’exportation du modèle notarial français passe aussi, et peut-être avant tout, par l’exportation de sa formation.

Des contacts avec l’Union internationale du notariat ont également été pris afin que l’INFN puisse être impliqué dans les projets internationaux de cette institution et, réciproquement, afin que les projets de coopération internationale portés par l’INFN soient valorisables auprès de l’UINL. Ce rapprochement est d’un grand intérêt pour l’INFN, comme l’atteste notamment le fait que la toute récente présidente argentine de l’UINL a choisi, pendant les trois années à venir, d’axer sa politique sur le développement de la formation.

Le volet institutionnel comprend, ensuite, la mise en place par Philippe Pierre d’une chaire internationale de formation en droit notarial (droit comparé et droit international).

Le rayonnement international de l’INFN repose également sur le développement de partenariats avec des institutions étrangères, chambres des notaires à l’étranger ou universités. Les partenariats se rapportent tant à la formation continue qu’à la formation initiale.

Au regard de la formation initiale, ces partenariats doivent permettre dès à présent aux étudiants de suivre une formation diplômante à l’étranger. Après la réforme de la formation initiale des notaires, cette formation diplômante fera partie des options obligatoires ouvertes aux étudiants.

Plusieurs accords-cadres de coopération, approuvés par le Conseil d’administration de l’INFN, sont déjà signés ou en cours de signature par les partenaires :

  • convention avec l’université de Belgrano à Buenos Aires (Argentine) ;
  • convention avec l’université publique (Buenos Aires) ;
  • convention avec l’université de Bâton rouge, LSU, Louisiane (États-Unis) ;
  • convention avec l’université de Montréal, UDEM (Québec) ;
  • convention avec l’ERA, Académie de droit européen, Trèves (Allemagne).

D’autres partenariats font actuellement l’objet de contacts positifs et devraient selon toute vraisemblance déboucher sur de nouveaux accords-cadres :

  • négociation d’une convention avec l’université Laval (Québec) ;
  • négociation d’une convention avec la Côte d’Ivoire (président de la chambre des notaires) ;
  • négociation avec une université à Madrid (Espagne) ;
  • négociation avec une université à Bruxelles (Belgique)…

Le rayonnement de l’INFN passe également par le développement de la formation continue adressée aux notaires français tournés vers l’international et à des notaires étrangers intéressés par la confrontation des points de vue. C’est la raison pour laquelle est en cours de préparation une école d’été (summer school) qui aurait lieu à la rentrée 2020. L’ERA (Académie de droit européen de Trèves) a manifesté son intérêt pour cet évènement qui s’adresserait aux étudiants, stagiaires et notaires installés à l’étranger. Les cours auraient lieu en anglais, en espagnol et en français.

Il n’y a pas de réel rayonnement sans une activité scientifiquetournée vers le droit comparé et le droit international. En France, l’INFN avec l’ACENODE, le CSN (l’INEI) et le CREDIP (université de Lyon), a mis en place une journée annuelle de formation à la pratique notariale du droit international. Ce rendez-vous annuel est la conséquence d’une sensibilité plus grande du notariat aux questions internationales.

L’objectif est en outre de développer des manifestations scientifiques internationales. La première a été réalisée à Tokyo, avec les Shihos-Soshis, en janvier 2020, sur la propriété foncière et le droit des successions. Une collaboration est née entre les Shihos-Soshis et l’INFN. Une délégation devrait visiter le site de l’INFN et rencontrer ses dirigeants en mai 2020 afin de réfléchir à la mise en place, éventuellement, d’une formation portant sur les fonctions et les activités du notariat. Une autre journée internationale est programmée le 13 novembre 2020 à Montréal sur le thème du notariat et des nouvelles technologies. Une journée sur le notariat est en cours de préparation avec le Brésil (Sao Paulo) sur les compétences du notariat en droit civil (août 2020). Je suis également intervenu, au nom de l’INFN, à Londres pour exposer la situation des femmes dans les professions du droit et, spécialement, au sein du notariat. Une journée sur le notariat et le droit civil est en cours de finalisation à Buenos Aires en octobre 2020 avec l’université de Belgrano. Une autre journée internationale est également prévue en janvier 2021 à Phnom Penh sur « Le notariat et la sécurité juridique : un statut et une activité ».

Où en est la réforme de la formation initiale des futurs notaires ?

La réforme de la formation initiale des futurs notaires, voie professionnelle et voie universitaire, est un processus qui a été engagé depuis plusieurs années par le CSN, le CNEPN et l’association des directeurs de master de droit notarial. Avec un groupe de travail composé de Jézabel Jannot, Élodie Oosterlynck, Thierry Arnaud, Philippe Pierre et Hubert Bosse-Platière, nous avons réalisé un projet de réforme. Un rapport a été soumis au CSN et au Conseil d’administration de l’INFN le 11 mars 2020 et a été validé. Nous en sommes à la phase de rédaction des décret et arrêtés pour une mise en place souhaitée à la rentrée de 2021.

Nous sommes encore en phase de discussion et de peaufinage et je ne peux livrer que les grandes lignes. L’esprit est la mise en place d’une formation d’excellence qui repose sur une étroite collaboration entre l’université et le notariat. Cette formation doit tenir compte des exigences de la clientèle, qui veut une prestation de qualité et humaine. Elle doit également s’adapter à son environnement plus international et plus digitalisé. La réforme suppose en outre de respecter l’identité du notaire, généraliste capable d’avoir une approche globale du dossier, spécialiste dans certains secteurs d’activité et ouvert sur le droit comparé et le droit international. L’école doit enfin se recentrer sur son noyau dur : les étudiants. Il convient de créer un esprit de promotion et de revaloriser le travail des étudiants. L’école se veut plus professionnalisante et accordera une place plus importante à la pratique notariale, le tout avec une forte utilisation des outils numériques.

Pour répondre à ces objectifs, une fusion de la voie professionnelle et de la voie universitaire est envisagée. L’accès à cette voie unique se fera soit par une entrée automatique, lorsqu’on est titulaire d’un master notarial, soit par une sélection opérée par une commission nationale pour les autres masters. La formation comprend trois cycles qui correspondent aux trois casquettes du notaire : un cycle premier pour le notaire officiel public et ministériel, un cycle deux pour le notaire expert juridique et un cycle trois pour le notaire chef d’entreprise, manager ou leader. Sans entrer dans le détail de cette réforme, elle répond aux attentes des étudiants et des employeurs et devrait faire de la formation notariale une vitrine de la profession.

(Propos recueillis par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso

Article paru dans le Defrénois du 26 mars 2020,  N° DEF158N0, P. 12

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